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AFFAIRE PALMADE : RAPPEL SUR LE STATUT JURIDIQUE DE L’ENFANT A NAITRE




Comme il est de notoriété publique, depuis plusieurs jours, l’accident de la circulation qui a eu lieu, le 10 février 2023, sur les routes du département de la Seine-et-Marne (77), dans lequel est impliqué, l’humoriste Pierre PALMADE, a entrainé la mort du bébé que portait une jeune femme, alors enceinte de 7 mois.


En pareille circonstance tragique, le lecteur nous pardonnera pour la froideur des termes juridiques et scientifiques employés dans cet article. Mais c’est malheureusement la démonstration qui va suivre qui le nécessite. En effet, il s’agit là d’une analyse juridique synthétique pour éclairer nos lecteurs. Quoiqu’il en soit, nous réitérerons notre pensée et notre soutien pour cette pauvre femme qui a perdu son bébé.


Liminairement, il convient de définir la notion de fœtus, pour que notre propos soit bien compris, et ce, dans son ensemble. Cela étant dit, le fœtus est l’état de la conception qui suit l'embryon, après environ 3 mois de grossesse, c’est-à-dire, l’état à l’issue duquel, au 9ème mois, l’enfant nait.


L’enfant à naitre dans l’affaire PALMADE était à 7 mois, de sorte qu’il s’agissait bien d’un fœtus.


La question est donc de savoir si une personne qui a causé la mort d’un fœtus ou, si l’on préfère, d’un enfant à naitre, peut-être poursuivie pour cette mort.


Plus précisément, dans l’affaire PALMADE, l’infraction pénale d’homicide involontaire (puisqu’il semblerait que l’accident soit involontaire) prévue à l’article 221-6 du code pénal peut-elle être retenue ?


Sans aborder la question de la circonstance aggravante relative à la consommation de cocaïne, l’article 221-6, al. 1er du code pénal prévoit que :

« Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. »

Vous l’aurez compris, est-ce que le droit français considère qu’un enfant à naitre a la qualité d’« autrui », telle que prévue, dans le texte suscité. Étant précisé que c’est par cette qualité que l’on acquiert la personnalité juridique.


La réponse a été donnée par la Cour de Cassation qui est la plus haute juridiction en France.


Ainsi, dans un arrêt (décision) de la Cour de Cassation du 29 juin 2001, les juges ont affirmé, et cela est la jurisprudence actuelle, c’est-à-dire le droit qui s’impose, que :


« Le principe de la légalité des délits et des peines, qui implique une interprétation stricte de la loi pénale, s’oppose à ce que l’incrimination prévue par l’article 221-6 du Code pénal, réprimant l’homicide involontaire d’autrui, soit étendue au cas de l’enfant à naître dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l’embryon ou le fœtus »


Le droit et les juges français ne reconnaissent donc pas la qualité d’autrui à l’enfant à naitre ; de sorte que même si une personne cause la mort d’un fœtus, et ce, même si celui-ci est presque arrivé à son terme (7, 8 ou 9 mois), il (le fœtus) ne pourra bénéficier du texte pénal suscité relatif à l’homicide involontaire ou encore bénéficier des textes qui répriment le meurtre ou l’assassinat, puisque le droit considère qu’il n’a pas acquis la personnalité juridique.


Néanmoins, la Cour de Cassation a ajouté une distinction de taille, dans une autre décision datée du 2 décembre 2003. En effet, la Cour suprême française, a décidé que si l’enfant à naitre a respiré, après être sorti du ventre de la mère, ne serait-ce que « une seconde », et qu’il est ensuite décédé du fait de l’accident, alors, ce court laps de temps est suffisant pour lui donner la qualité « d’autrui ». De sorte que, dans cette dernière hypothèse, l’individu à l’origine de sa mort prématurée pourra être poursuivi pour homicide involontaire.


Voilà la position actuelle du droit français, sur la question de l’enfant à naitre. Une position particulièrement discutable, lorsque l’on sait qu’à un certain stade de la grossesse, le fœtus revêt toutes les caractéristiques d’un bébé et que son sexe, sa taille et son poids sont connus. Très souvent, avant sa naissance, un prénom lui a même déjà été attribué par ses parents. Mieux, très souvent la reconnaissance prénatale, par le père, a déjà eu lieu.


Comment peut-on alors dire que l’enfant à naitre n’est pas « autrui » tant qu’il n’a pas respiré « une seconde » ? Et pourtant, les juges du plus haut rang l’affirment et l’imposent, sans doute par peur d’empiéter sur la question de l’IVG, alors qu’il s’agit de deux situations bien distinctes.


Quoiqu’il en soit, dans l’affaire PALMADE, la réponse à la question de savoir si l’enfant a respiré ou non sera déterminante pour la qualification de l’infraction à retenir.

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