HARCELEMENT SCOLAIRE : QUAND LE CODE PENAL FAIT SIMULTANEMENT SA RENTREE A L’ECOLE, AU COLLEGE, AU LYCEE ET A L’UNIVERSITE
Si le harcèlement sexuel et le harcèlement moral sont bien plus connus, il existe une autre forme de harcèlement, tout aussi destructeur. Il s’agit du « harcèlement scolaire » qui est en réalité un harcèlement moral qui tire sa spécificité du lieu où il s’exerce (dans un établissement scolaire ou universitaire) et de la qualité de sa victime (un élève ou un étudiant). Il peut s’étendre de la classe de maternelle, aux amphithéâtres de nos universités.
Ce type de harcèlement est assez tabou, compte tenu du fait que souvent la jeune victime (mineure ou majeure) reste silencieuse ou lorsque celle-ci s’exprime, l’affaire n’est pas prise au sérieux ; si bien que le comportement nuisible s’installe tranquillement et durablement, jusqu’à la destruction psychologique et/ou physique de la victime. C’est ainsi, qu’il semblerait que le jeune Lucas se soit suicidé, le 7 janvier 2023, apparemment à cause d’agissements répétés à son encontre, par des camarades, du fait de sa supposée orientation sexuelle.
Si le harcèlement scolaire était déjà interdit et encadré, la loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire en a fait un délit, au sens pénal du terme, ce qui a entrainé de nombreux de changements.
« Il peut s’étendre de la classe de maternelle, aux amphithéâtres de nos universités. ».
Ainsi en vertu 222-33-2-3 du code pénal :
« Constituent un harcèlement scolaire les faits de harcèlement moral définis aux quatre premiers alinéas de l'article 222-33-2-2 lorsqu'ils sont commis à l'encontre d'un élève par toute personne étudiant ou exerçant une activité professionnelle au sein du même établissement d'enseignement. Le harcèlement scolaire est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende lorsqu'il a causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'a entraîné aucune incapacité de travail. Les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 € d'amende lorsque les faits ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours. Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 € d'amende lorsque les faits ont conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider. Le présent article est également applicable lorsque la commission des faits mentionnés au premier alinéa du présent article se poursuit alors que l'auteur ou la victime n'étudie plus ou n'exerce plus au sein de l'établissement. »
Qu’on ne s’y méprenne pas, le mot « scolaire » est entendu de façon large. Car le texte concerne aussi les universités. En effet, l’article L. 111-6 du Code de l’éducation prévoit que :
« Aucun élève ou étudiant ne doit subir de faits de harcèlement résultant de propos ou comportements, commis au sein de l'établissement d'enseignement ou en marge de la vie scolaire ou universitaire et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de dégrader ses conditions d'apprentissage. Ces faits peuvent être constitutifs du délit de harcèlement scolaire prévu à l'article 222-33-2-3 du code pénal. »
Il s’agit ici d’agissements nuisibles répétés perpétrés par une (ou plusieurs) personne(s) rattachée(s) à l’établissement (élèves, étudiants, professeurs, personnels) à l’encontre d’un élève ou d’un étudiant (ou plusieurs), soit verbalement (ex : injures…), soit par des gestes (ex : mimer une claque…), soit physiquement (ex : violences physiques, bizutages…), soit virtuellement (ex : humiliations sur internet), soit psychologiquement (ex : dénigrements…) …
Ces agissements sont terribles pour la victime qui ne dispose pas, le plus souvent, de la maturité ou du recul nécessaire pour s’extraire de cette situation qui devient progressivement de moins en moins respirable pour lui.
Ainsi, ce type de harcèlement peut déboucher sur de la phobie scolaire et peut conduire la victime à fuir son établissement, et ce, souvent, à l’insu de ses parents et/ ou de ses proches, entrainant, une déscolarisation ou un abandon, pur et simple, des études.
Avant la loi suscitée, le harcèlement était bien entendu interdit, mais, la loi du 2 mars 2022 apporte un aspect bien plus répressif, en faisant entrer ce type de comportement dans le champ du droit pénal.
Ainsi, et dès lors qu’il s’agit dorénavant d’une infraction pénale, le champ d’action de la répression s’élargit aussi. Par exemple : le parent qui sait que son enfant se moque régulièrement d’un autre camarade et qui malgré tout lui crée un compte sur un réseau social afin que celui-ci puisse mieux propager sa campagne de dénigrement, risque d’être considéré comme complice.
Or, selon l’article 121-6 du code pénal : « sera puni comme auteur le complice de l'infraction ».
Le même raisonnement peut s’appliquer à l’établissement scolaire, si l’auteur du harcèlement est l’enseignant ou un membre du personnel.
Pour terminer, il serait intéressant de faire un petit rappel sur la responsabilité pénale des mineurs, puisque le plus souvent, l’auteur de ce type de harcèlement sera un collégien ou un lycéen.
En effet, selon le droit français, aucune sanction pénale ne peut être prononcée contre le mineur de moins de 10 ans. Tandis, qu’aucune peine d’emprisonnement ne peut être prononcée contre le mineur de moins de 13 ans qui ne fera, à cet âge, que l’objet de mesures et/ou de sanctions éducatives.
Ce n’est qu’à partir de 13 ans, mais, dans des cas très exceptionnels, que la peine d’emprisonnement pourra être prononcée, notamment au regard de la personnalité inquiétante de l’auteur. Mais il faut noter que la justice pénale est très clémente avec le mineur. En effet, la justice n’emploiera la mesure privative de liberté qu’en dernier recours, estimant que les mesures et les sanctions éducatives seront toujours plus bénéfiques, pour un mineur.
C’est donc le régime de la responsabilité pénale des mineurs qui vient limiter la portée du délit de harcèlement scolaire, lorsque l’auteur du harcèlement est mineur. Mais rien de tel lorsque celui-ci est majeur, et ce, qu’il soit auteur ou complice du comportement délictuel.
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